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À VENISE, MÊME LES FANTOMES SONT MELOMANES

L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !

Chronique de Kristian FREDRIC

22 AOUT 2024



Photo : Avec Daniele Callegari - Chef d'orchestre italien


Une petite traversée en vaporetto en fin de matinée, rien de tel pour vous mettre en forme. J’ai toujours le pied marin et même si ici il n’y a pas les éléments qui se déchaînent, j’aime me retrouver brinquebalé gentiment au rythme des ondes provoquées par notre embarcation. Direction le Lido, je pourrais être à deux doigts de siffloter la cinquième de Gustav Mahler, mais je me retiens, pour éviter de faire fuir les mouettes.

 

Me retrouver dans le roman de Thomas Mann et me dire que je vais à la rencontre de Gustav Asbach, romancier et taciturne, ce n’est pas trop mon style. Mais non, d’abord je ne suis pas le jeune Tazio d’une beauté divine et Venise n’est pas rongée par le choléra, merci bien. De plus, ma visite ne concerne pas un écrivain, mais un chef d’orchestre. Qui sait, il a peut-être dirigé l’opéra de Benjamin Britten qui a fait une adaptation de ce livre. Ou alors, il a juste dirigé une fanfare de mariage, tout est possible.

 

Pour un premier jour en Mission Erasmus +, me voilà quand même déjà dans une aventure incroyable. Traverser la lagune en compagnie de tous ces artistes prestigieux dans ma tête pour rejoindre un non moins grand homme. À ce rythme, je vais finir par croire que je suis le héros d’un opéra.

 

Le rendez-vous est à la Plage des Bains, du Grand Hôtel des Bains qui est totalement fermé depuis 2010. Mais qui a vu séjourner en son sein, entre autres, Thomas Mann en 1911, ce qui lui a inspiré sa nouvelle, et le réalisateur Luchino Visconti qui y a tourné son film. Pour ceux qui croient au hasard, je vous laisse juges. Moi, je préfère croire en la prédiction d'une tireuse de cartes plutôt qu'au hasard.

 

Pour moi, depuis que j’avais croisé cette cartomancienne sur l’île de Java, je n’y crois plus. C’était dans une taverne obscure, perdue au cœur d'un port brumeux. Avec ses cheveux argentés et ses yeux perçants, elle semblait pouvoir percer les mystères des profondeurs marines. Après avoir tiré et retourné les cartes, elle avait levé les yeux vers moi, ses iris brillant d'une lueur énigmatique et dit : Ton destin est lié à la mer, mais le choix t'appartient. Suis ton cœur et écoute les murmures des vagues, car elles seules connaissent la vérité de ton voyage. 

 

Me voilà à nouveau sur la terre ferme, cette fois-ci en compagnie de Daniele Callegari, sur une terrasse en hauteur face à la mer Adriatique. Nous parlons plusieurs heures, de l’opéra, de sa passion pour Puccini et tant d’autres compositeurs. Je lui explique la raison de mon voyage. Nous parlons de Pavia et des théâtres de Lombardie. De ma future rencontre avec Francesco Nardelli et de son accompagnement. De mon souhait de mettre en scène de plus en plus des opéras italiens et notamment la Tosca. Il m’apprend qu’il dirige actuellement cette œuvre au Festival Puccini de la Torre del Lago pour le centième anniversaire du compositeur.

 

Dans quelques jours, c’est sa dernière, le 24 septembre sous le ciel étoilé de ce petit village de Toscane, il retrouvera les personnages mythiques de cet opéra et notamment le terrible Scarpia, prêt à tout pour assouvir ses désirs lugubres. Entre nous, Scarpia ferait un bon méchant dans un film de pirates, non ?

 

Comment ne pas sauter sur l’occasion, non d’un petit mousse, c’est dans deux jours, mais nous y serons. Je lui en fais la promesse. Il me faudra troquer le vaporetto pour un carrosse motorisé, mais sans faute j’assisterai à sa dernière représentation. Son sourire bienveillant et amusé par ma fougue accueille cette annonce.

 

Nous parlons aussi de Rigoletto, de Giuseppe Verdi, de sa nouvelle direction à la Fenice en février prochain. Il m’annonce que son directeur artistique, Monsieur Fortunato Ortombina, va bientôt quitter le théâtre pour diriger la Scala. Il me conseille d’essayer quand même de le rencontrer lors de mon séjour en Italie, que cela pourrait être une belle occasion. Toujours émoustillé par nos discussions, par l’univers de ce lieu, de cette ambiance balnéaire romantique, je lui demande quand sera sa première de Rigoletto.

Le 7 février prochain, je serai présent à la Fenice.

 

Sur le vaporetto qui traverse à nouveau la lagune pour me ramener au sein de la Sérénissime, je sifflote la cinquième. Espérons que cette fois, les mouettes apprécieront mon Bel canto.


 

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