UNE NUIT DE MALEDICTIONS . Vendredi 13 à Venise
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC
13 septembre 2024
CHAPITRE 2
Je m'approchais du théâtre La Fenice, aussi confiant qu'un James Bond sur un casino flottant, mon smoking impeccable, le reflet de la lune dans l'eau vénitienne me suivant comme une caméra bienveillante. Dans ma tête, j'entendais déjà l'orchestre qui accordait ses violons, les murmures feutrés du public, la montée d'adrénaline avant que le rideau ne se lève sur La fabbrica illuminata. J'étais prêt. Trop prêt. C'était mon moment de gloire, ma grande scène à moi, avec ou sans caméra.
Mais en arrivant devant le théâtre, BAM. Une annonce criarde, ruine ma soirée : “ANNULATION DU SPECTACLE”. L’encre rouge dégoulinait sur l’affiche comme dans un vieux film d’horreur. Un murmure nerveux flottait autour de moi. Mais pourquoi diable annuler une représentation aussi attendue ?
C’est là qu’un type du staff, visiblement au bord de la crise de nerfs, m’attrape par le bras et me chuchote : “C'est à cause de… du volatile.”Je fronce les sourcils. “Un volatile ?”“Oui… un perroquet !” Il me lance ça comme si c’était la chose la plus logique au monde. Moi, j’essaie de comprendre comment un animal à plumes a pu causer la chute de la soirée la plus importante de ma vie. Et puis soudain, tout devient clair. Roudoudou. Bien sûr. Qui d’autre ? Ce satané perroquet !
L’homme, tremblotant, continue : “Il est monté sur scène, pendant les répétitions, et… il a commencé à… insulter les artistes. Oui. Des insultes. Des trucs abominables.” Là, je vois qu’il est vraiment terrifié. Je me dis : mais qu’est-ce que Roudoudou a bien pu dire ?
“Il leur a jeté des malédictions !” s’écrie-t-il, les yeux écarquillés comme s’il venait de survivre à l’attaque d’un kraken. “Il a dit… Il a dit que si quelqu'un osait chanter ce vendredi 13, la colère des flots s’abattrait sur eux, que leurs voix se transformeraient en croassements et que leur prochaine note serait leur dernière !”
Là, je commence à visualiser la scène : les artistes, costumés en grande tenue, répétant leurs airs d'opéra, soudain interrompus par un perroquet furibond, probablement perché sur une colonne dorée de la scène, beuglant à pleins poumons des insultes maritimes !
Imaginez : le chef d'orchestre, les bras levés, prêt à donner la mesure, quand soudain Roudoudou surgit comme une tornade verte, ses ailes déployées, son regard noir, et commence à hurler des insanités.
“Si vous chantez ce soir, vous finirez TOUS noyés dans les abysses !”
Les violonistes tremblent, leurs archets glissent sur les cordes avec des grincements dignes d’un navire en pleine tempête. La soprano pousse un cri d’horreur, son aiguë devient un glapissement de terreur, tandis que le ténor renverse son café sur sa chemise à jabot.
Et là, tout bascule. Les chanteurs, terrorisés, balancent leurs partitions dans les airs comme des confettis d’apocalypse. Les techniciens s’enfuient, les rideaux tombent en désordre, les décors s’effondrent. Un chaos total. Roudoudou, avec son art inégalé pour semer la zizanie, virevolte entre les cordes des contrebasses, crache des menaces de tempêtes maritimes et de sirènes maléfiques. Un drame shakespearien avec un perroquet en rôle principal.
La rumeur court alors à une vitesse folle : le perroquet est maudit, il est possédé, il est l’incarnation d’un ancien pirate revenu des profondeurs pour hanter le théâtre ! Les artistes, paniqués, filent tout droit hors de la Fenice, courant à travers les rues pavées de Venise comme si le diable lui-même était à leurs trousses. Ils se ruent vers Santa Maria della Salute, cette basilique imposante qui trône sur les rives du Grand Canal.
Et les voilà, ces chanteurs d’opéra, recroquevillés dans les recoins sacrés de la basilique, encore en costume, la soprano accrochée à son voile en dentelle, le ténor tremblotant sous sa perruque poudrée, tous chuchotant des prières entre deux crises de panique. Et pourquoi tout ça ? Parce qu’un perroquet vengeur a décidé de les maudire pour avoir osé prévoir un spectacle un vendredi 13.
Je me vois déjà entrer dans l’église, les rejoindre. Peut-être qu'ils m'accueilleraient à bras ouverts, m'offrant une bougie et une place dans leur ronde de supplications. Ou peut-être pas. Peut-être que je resterais là, au pied de l’autel, à contempler cette scène délirante, en me demandant si tout ça n’était qu’un rêve – ou si, quelque part, mon vieux compagnon à plumes n’était pas en train de siroter un mojito sur le pont de mon bateau, satisfait de son chaos parfaitement exécuté.
Je sors alors de ma rêverie, l’homme du staff est toujours là, me regardant comme s’il venait de voir un film d’horreur.
“C’est le perroquet, monsieur… le perroquet a tout gâché.”
Et moi, là, sous le ciel étoilé de Venise, en smoking impeccable, je ne peux que lever les yeux et soupirer. Roudoudou avait encore frappé !
#acmeplus, #erasmus+, #erasmusplus, #erasmustrip, #myerasmus, #italie, #operaitalie, #theatreitalie, #pavia, #bayonne, #mobilite, #combustibe
Comments