Fando et Lis
De Benoît Menut
2018
France
Ils en ont dit…
L'adaptation commandée et montée par l'Opéra de Saint-Étienne donne lieu à une création fertile et audacieuse qui reste fidèle à l'esprit original du drame – aussi bien qu'aux échecs, le dramaturge espagnol adoubait les auteurs de sa présence émue au soir de la première, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. (...) Dans l'adaptation en livret, et dans la mise en scène qu'il signe également, Kristian Frédric s'attache à mettre en valeur la beauté des êtres survivant dans un monde disgracieux. Il trouve des formes d'expression délicates, presque humanistes en dépit du climat général très violent, marqué par quelques scènes cadavériques à l'horreur explicite. S'en repaissent de temps en temps, avec ou sans ironie, des hommes aux splendides masques de corbeaux (réalisés par le grand spécialiste Kuno Schlegelmilch).(...) De toute manière, le voyage s'avère enrichissant et pourrait figurer au répertoire des grandes œuvres nouvelles, au détour du XXIe siècle.
Le livret de Kristian Frédric reprend les codes et les références du théâtre Panique. Tout d’abord, la critique du fascisme est évidente, surtout à la toute fin : les personnages semblent avoir enfin trouvé la ville idéale, qui apparaît d’abord derrière une épaisse brume pour disparaître ensuite derrière un haut mur. La société est particulièrement dépeinte dans le conflit de deux fonctionnements de pensées qui se manifestent dans le trio des hommes au parapluie : Mitaro et Namur passent leur temps à discuter de tous et à débattre de sujets qui n’ont aucune importance. Leur attitude exaspère le pragmatique Toso qui ne pense qu’à parvenir à Tar, qui est leur seul véritable objectif. Parvenus à Tar, ce dernier suit spontanément les défilés de soldats fascistes, n’hésitant pas à laisser ses amis dehors et à tirer lui-même sur Fando qui s’est approché un peu trop près du mur qui le protège. Finalement, ceux qui paraissaient superficiels et inutiles sont sans doute les plus humains et les plus sensibles. Peut-être sont-ils donc des artistes ?
OLYRIX– Par Emmanuel Deroeux
À Saint-Étienne, en 2018, malgré le traditionnel avertissement relatif à « la sensibilité de certains spectateurs », le public vierge de ces films aussi peu consensuels que fondateurs ne ressort pas indemne de Fando et Lis, l’opéra que Frédric a tiré de la pièce éponyme. Le metteur en scène français, qui connaît bien son Arrabal, s’inscrit de toute évidence dans l’auguste marge d’une lignée qui a encore à dire, surtout en ces temps de prêche d’un retour au normatif, sur la triste histoire des hommes qui ne peuvent s’empêcher d’aimer sans le sang (...)
Les costumes inventifs de Marilène Bastien habillent une soirée sans eau tiède à l’issue de laquelle Fernando Arrabal (qui fut par deux fois metteur en scène d’opéra : La Vida breve et Goyescas), présent, se déclare enchanté par l’audace d’une entreprise, qui, disons-le, aura été en tous points à la hauteur de la sienne.
La mise en scène installe un univers surréaliste, peuplé de corbeaux qui semblent raconter cette histoire qui se joue sous leurs yeux immobiles, tandis que le jeu scénique, cadencé et rythmé des protagonistes, emplit avec bonheur largement l'espace, avec quelques clins d'oeil humoristiques.
LOIRE L'ESSOR - Daniel Brignon
Le résumé
« Ville de hyènes et de chiens, aux oiseaux pris au piège. Ville-miroir, aux fantômes qui cognent. Et ma peur dans leurs reflets, tourne, tourne, tourne comme un manège. »
Fando et Lis, 5e tableau
À la cruauté de ces villes-mondes d’une humanité en souffrance, Fando et Lis préfèrent l’espoir d’un ailleurs, même si celui-ci doit demeurer parfaitement incertain. Fable d’un monde post-apocalyptique, où Lis demeure la dernière femme, l’œuvre exprime toute la solitude et l’errance de l’Homme, à l’approche du vide. D’après la pièce homonyme de Fernando Arrabal, cet opéra en six tableaux est une commande de l’Opéra de Saint-Étienne à Benoît Menut, lauréat du Grand Prix SACEM 2016 de la musique symphonique (jeune compositeur). La mise en scène de cette création mondiale est confiée à Kristian Frédric, également auteur du livret. Il est notamment connu pour sa participation à la création européenne d’Orphée et Eurydice (joué 49 fois, en 2010, dans les sous-sols de la ville de Nuremberg) et pour sa mise en scène de Quai Ouest de Régis Campo, dont il a aussi signé le livret, avec Florence Doublet, en 2014 et 2015 pour l’Opéra National du Rhin et l’Opernhaus Nürnberg. En bref : une œuvre puissante, un rendez-vous unique et un temps majeur de cette saison.
L’auteur
Né le 11 août 1932 à Melilla (Espagne), Fernando Arrabal est poète romancier, essayiste, dramaturge
Il vit en France depuis 1955, et est un « desterrado ».
Il a réalisé sept longs-métrages. Il a publié une centaine de pièces de théâtre, quatorze romans, huit cents livres de poésie, plusieurs essais et sa célèbre Lettre au général Franco du vivant du dictateur. Son théâtre complet est publié en de nombreuses langues (en deux volumes de plus de deux mille pages).
Il est cofondateur du mouvement Panique avec
Roland Topor, Christian Zeimert et Alejandro Jodorowsky, et Transcendant satrape du Collège de 'Pataphysique depuis 1990. Pour le dramaturge, le Panique est une « manière d’être [...] régie par la confusion, l'humour, la terreur, le hasard et l'euphorie » (Panique, Manifeste pour le troisième millénaire). Des thèmes récurrents dans son art.
Influencé par Lewis Carroll et son monde magique, mais aussi par Kafka, Beckett, Artaud ou encore Alfred Jarry, il a brisé les conventions, notamment au théâtre.
Ami d'Andy Warhol et de Tristan Tzara, il a passé trois années avec le groupe surréaliste d'André Breton. Le critique dramatique Mel Gussow (en) l'a considéré comme l'unique survivant des « quatre avatars de la modernité ».
« Un théâtre fou, brutal, clinquant, joyeusement provocateur. Un potlatch dramaturgique où la carcasse de nos sociétés « avancées » se trouve carbonisée sur la rampe festive d'une révolution permanente. Il hérite de la lucidité d'un Kafka et de l'humour d'un Jarry ; il s'apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. Profondément politique et joyeusement ludique, révoltée et bohème, elle est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags : une façon de se maintenir en sursis. »
— Dictionnaire des littératures, Éditions Bordas
Notes du metteur en scène
UNE AVENTURE ANCRÉE DANS MES VEINES…
Il y a plusieurs années de cela, lors de ma collaboration avec Patrice Chéreau à Nanterre-Amandiers, j’ai eu envie de créer Fando et Lis de Fernando Arrabal.
J’imaginais une gare désaffectée à Bordeaux où cette errance des hommes pouvait nous renvoyer à notre monde. Dans sa pièce, Fernando nous y raconte une histoire d’amour, à la fois touchante et cruelle, qui nous décrit un monde ravagé où les êtres tentent désespérément d’atteindre une ville mythique : Tar, un idéal perdu. De nombreux concepteurs de Nanterre-Amandiers comme Daniel Delannoy, Philippe Cachia et Kuno Schlegelmilch devaient participer à cette aventure un peu folle. J’y voyais déjà une forme de lyrisme dans l’idée même de la confrontation de la langue du poète et de l’univers dans lequel elle allait prendre forme.
Des années plus tard, juste quelques jours après la création de l’opéra de Régis Campo, Quai Ouest, d’après la pièce de Bernard-Marie Koltès à l’Opéra national du Rhin et au Staatstheater Nürnberg, je me suis demandé quel serait l’auteur dramatique dont l’écriture pourrait permettre la création d’un nouvel opéra ? Et j’ai de suite pensé à nouveau à Fando et Lis. J’ai de suite repris contact avec ce bâtisseur du
« Théâtre Panique » et lui ai parlé de cette idée. Dans son appartement, entouré de nombreuses œuvres picturales mais aussi d’une chaise à garrot, il toucha un peu ses deux paires de lunettes (dont l’une était sur ses yeux et l’autre sur son front) et, en se redressant sur son banc, me dit : « Ah bon vous croyez ? Ce serait une très belle idée, Kristian, j’en serais même très heureux ». Et le désir commençait à prendre forme.
La rencontre à l’Opéra de Saint-Étienne avec Éric Blanc de la Naulte et Jean-Louis Pichon fut déterminante pour ce projet.
De suite, ils ont accueilli ce rêve, l’ont ramassé au coin de mes yeux et, grâce à leur passion, m’ont offert de le réaliser. Le choix qu’ils ont fait en demandant à Benoît Menut de créer l’opéra a donné un nouvel élan artistique à mon désir.
Une nouvelle histoire allait pouvoir s’inscrire. Une histoire qui je l’espère nous permettra de rester vigilants face au tourbillon de notre monde !
Merci à tous les artistes qui ont accompagné ce rêve et à toute l’équipe de l’Opéra, sans vous tout cela n’aurait pas été possible. Merci à tous
Kristian Frédric
Articles de presse
La production
FANDO ET LIS
BENOÎT MENUT
Opéra en trois actes
Livret de KRISTIAN FRÉDRIC
Avec l'aimable collaboration de JEAN CLAUDE VIAN
D'après Fando et Lis de FERNANDO ARRABAL
CRÉATION MONDIALE
Direction musicale DANIEL KAWKA
Mise en scène KRISTIAN FRÉDRIC
Assistant mise en scène plateau
JEAN-CHRISTOPHE MAST
Assistante mise en scène écriture
FRANCE DE LA HAMELINAYE
Décors FABIEN TEIGNÉ
Assistante décors LINE DE CARNE
Costumes MARILÈNE BASTIEN
Lumières NICOLAS DESCOTEAUX CRÉATION Perruques et maquillages CORINNE TASSO, CHRISTÈLE PHILLARD
Masques des hommes-corbeaux KUNO SCHLEGELMILCH
FANDO MATHIAS VIDAL
LIS MAYA VILLANUEVA
MITARO PIERRE-YVES PRUVOT
NAMUR NICOLAS CERTENAIS
TOSO MARK VAN ARSDALE
Hommes corbeaux ADRIEN CIAMBARELLA,
MARC PIRON
Voix de la mère NATHALIE DESSAY
Voix de l'enfant ROMAN BERTRAN VAN CRAENENBROECK
Figurantes ANNE-CÉLINE TRAMBOUZE, MAUD COSSET-CHÉNEAU, MARIE VANHONNACKER
ORCHESTRE SYMPHONIQUE SAINT-ÉTIENNE LOIRE
CHŒUR LYRIQUE SAINT-ÉTIENNE LOIRE
COMMANDE ET PRODUCTION INÉDITE OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE DÉCORS ET COSTUMES RÉALISÉS PAR LES ATELIERS DE L'OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE
GRAND THÉÂTRE MASSENET
MERCREDI 02 MAI : 20H
VENDREDI 04 MAI : 20H
DIMANCHE 06 MAI : 15H