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MAIS QUI DE NOUS EST VRAIMENT DON QUICHOTTE ?

L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !

Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC

26 septembre 2024




PARTIE 3


Après ce déjeuner et le souvenir de ce vendeur d’olives en Grèce, dont la verve était aussi acérée que les lames de la mer Égée, me voilà à nouveau en train de traverser les ruelles pavées esquissant des figures improbables entre les colonnades et les ombres des vieilles pierres. Le Teatro Fraschini, d’un éclat presque irréel sous la lumière dorée, m’attend. Et là, comme s’il venait de sortir d’un opéra de Rossini, Francesco Nardelli apparaît, tout sourire et bras ouverts.

 

« Benvenuto, mio amico ! » s’écrie-t-il, dans ce style inimitable qu’ont les directeurs de théâtre italiens de mêler tragédie et comédie dans un simple salut. Sa voix résonne dans l’air comme une première note de Massenet, et déjà, je me sens transporté dans une scène d’un film italien oublié des années 60.

 

Nous entamons alors ce que j’appellerais le « résumé le plus chaotiquement stylé » de mon séjour en Italie. Je raconte, avec l’enthousiasme d’un critique de cinéma surexcité, ma visite à la Biennale, cette jungle artistique où chaque œuvre semble être un clin d’œil à Fellini. Les installations surréalistes, les performances qui défient la logique. Puis, Rome… Ah, Rome, la ville éternelle, où entre le MAXXI et les ruelles tortueuses du Trastevere, je me suis retrouvé à discuter cinéma au Nuovo Sacher devant un film quasi irréel, "Quasi a casa", avec Lou Doillon. Et comment ne pas mentionner Roudoudou, ce fichu perroquet jaloux, qui, tel un personnage de comédie italienne, a tout fait pour me rendre la vie impossible.

 

Francesco riait en écoutant mes récits italiens mêlés d’un accent grec, mes aventures dignes de Zorba et mes descriptions poétiques qui s’étendaient jusqu’à Rome. « È come se il tuo viaggio fosse una grande sinfonia, un’opera che non finisce mai ! » (C’est comme si ton voyage était une grande symphonie, un opéra qui ne s’arrête jamais !) s’exclama-t-il. Il avait raison. Entre les sirtakis dansés sur les falaises grecques et les concerts improvisés dans les ruelles paviennes, ma vie devenait cet opéra, et Francesco, tel un chef d’orchestre inspiré, semblait prêt à diriger la suite.

 

Nous décidâmes de visiter le Teatro Fraschini. La majesté du lieu me coupa un instant le souffle. « Ogni teatro è un’epopea... » (Chaque théâtre est une épopée...) murmurais-je. Comme un navire d’aventuriers, le Fraschini avait traversé des siècles de gloire et d’oubli, de grandes œuvres et de petits drames. Ici, tout semblait chargé d’une intensité presque mythologique, comme si les fantômes des acteurs et des musiciens se tenaient encore derrière les rideaux, prêts à jouer une dernière scène. Nous déambulons à travers les loges et les coulisses, respirant l’âme même du théâtre. Et comme toujours, dans chaque recoin, une note de nostalgie, comme une scène en noir et blanc d’un film de Visconti. Ici, l’illusion et la réalité se confondent... un peu comme dans Don Quichotte.

 

De retour dans le bureau de Francesco, nous nous plongeons dans une discussion passionnée sur Massenet. Sa voix prend des accents presque chevaleresques lorsqu’il évoque l’envie de monter cet opéra : « Ho sempre avuto l’impressione che Massenet scrivesse per i sognatori, per quelli che rifiutano di arrendersi alla banalità del mondo. » (J’ai toujours eu l’impression que Massenet écrivait pour les rêveurs, pour ceux qui refusent de baisser les armes face à la banalité du monde.)

 

Et là, tandis qu’il me parle, j’ai une révélation. Francesco, ce grand directeur de théâtre, cet homme visionnaire, n’est autre que Don Quichotte lui-même, emporté dans des batailles d’un autre temps, essayant de donner vie à ses rêves contre des moulins de bureaucratie et de budgets serrés. Et moi, moi, je suis Sancho Panza, ce compagnon fidèle, un peu déboussolé mais toujours prêt à le suivre dans ses aventures folles.

 

« Ma chi di noi è davvero Don Chisciotte, Francesco ? » (Mais qui de nous est vraiment Don Quichotte, Francesco ?) lui dis-je, en esquissant un sourire. Il éclate de rire, mais je sens qu’il y a dans ses yeux une étincelle de vérité. Nous sommes tous les deux des rêveurs, chacun à sa manière. Et en parlant de cette œuvre, de cette passion qui nous anime, nous commençons à tisser les fils d’un rêve commun : celui de collaborer ensemble sur cet opéra.

 

Il est impossible de savoir où ce rêve nous mènera, mais ce qui est certain, c’est que nous avons créé, dans cette petite pièce du Teatro Fraschini, un monde où l’impossible est à portée de main. Comme Don Quichotte cherchant sa Dulcinée, nous cherchons, à travers l’art, à toucher un idéal. Les derniers mots du chant de Don Quichotte résonnent dans l’air :

« Dulcinée ! avec l'astre éclatant, elle s'est confondue... C'est bien elle ! La lumière, l'amour, la jeunesse... Elle ! Vers qui je vais ? qui me fait signe ? qui m'attend ! »

 

Et là, pour un instant, nous aussi, nous nous sommes retrouvés dans ce rêve étoilé.


 

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