MOUSTIQUES, PROSECCO ET TRAHISON
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC
8 septembre 2024
Notre aventure romaine, après avoir filé entre les doigts dorés du Vatican comme une scène d’évasion dans un film d’action grandiose, s’est révélée être un enchaînement de surprises. Chaque coin de rue, chaque place pavée semblait murmurer une réplique bien sentie, comme si Rome elle-même avait un scénario écrit par Nanni Moretti et mis en scène par Fellini. Après l’explosion visuelle du MAXXI, temple futuriste où l’art contemporain s’étire, se contorsionne et joue à cache-cache avec votre esprit, nous avons pris le chemin de Trastevere.
Là, blotti comme un secret bien gardé, se trouve le Nuovo Sacher, cinéma culte de Nanni Moretti, ce poète-cinéaste qui sait capturer les silences avec autant d’intensité que les mots. Passer ses portes, c’est un peu comme s’inviter chez un ami passionné, celui qui vous sert un bon verre de vin en vous montrant ses dernières trouvailles cinématographiques, l’œil pétillant. Sauf qu’ici, il y a des sièges en velours, et l’air est chargé d’un parfum de pellicule nostalgique. C’est un lieu où l’on se sent immédiatement complice de chaque spectateur, comme si tous ici partageaient la même religion : celle du grand cinéma.
"Quasi a Casa" est projeté à l’écran, avec la douce Lou Doillon, la mystérieuse Maria Chiara Arrighini, et la musique hypnotique de Coca Puma qui nous emporte dès les premières notes. Le film raconte l’histoire de Caterina, cette jeune fille en quête d’elle-même, paralysée par ses doutes, rencontrant son idole, la chanteuse Mia. Une rencontre qui, comme dans toutes les grandes histoires, bouleverse les certitudes, renverse les schémas, et devient un point d’ancrage dans la tempête de l’existence. C’est l’histoire de celles et ceux qui sont "presque chez eux", sans jamais l’être vraiment. Ce récit, subtil comme une caresse, nous a laissé pensifs, flottant dans l’air romain, comme suspendus dans une rêverie douce-amère. Un jour, peut-être, nous serons aussi "Quasi a casa".
À la sortie, l’heure était à la célébration. Direction les jardins du cinéma, un verre de prosecco à la main, profitant de cette lumière dorée de la fin d’après-midi qui fait danser les ombres et vous fait croire que vous êtes, l’espace d’un instant, un personnage d’un vieux film italien. Mais soudain, comme un coup de théâtre inattendu, une horde de moustiques a surgi, virevoltant autour de nous dans une chorégraphie insensée. Busby Berkeley lui-même n’aurait pas orchestré une scène plus spectaculaire. Ces insectes, tels des danseurs ivres, ont entamé une valse aérienne, et je me suis retrouvé, comme dans un Fellini revisité, à me battre contre ces prétendants volants, tout en essayant de conserver un semblant de dignité. Mais soyons honnêtes, la vraie star de cette scène, c’était eux. Ils avaient fait de moi le centre d’un opéra tragicomique, une Dolce Vita revisitée, où la tentation de fuir le jardin pour sauver ma peau était aussi forte que l’envie de savourer ce prosecco jusqu’à la dernière goutte.
Notre déambulation culturelle a continué dans les ruelles étroites de Rome, nous menant jusqu’à la librairie Fahrenheit, véritable sanctuaire pour les esprits curieux et les amateurs d’art. Là, sous une chaleur qui aurait fait fondre n’importe quel autre esprit moins audacieux, nous avons trouvé refuge parmi les piles de livres, comme des trésors enfouis attendant patiemment d’être découverts. Chaque livre semblait susurrer des secrets, chaque rayon était une invitation au voyage, une porte ouverte sur des mondes imaginaires. Entre un essai sur Pasolini et une monographie sur Piero della Francesca, je me suis retrouvé, comme dans une scène contemplative d’un film de Moretti, hésitant entre la beauté du passé et l’angoisse du présent. Si la chaleur avait été un ennemi, elle s’est transformée ici en alliée, ralentissant le temps pour nous permettre d’apprécier chaque instant dans ce cocon littéraire.
Puis est venu le clou de notre aventure : la soirée à la Taverna Renato e Luisa. Imaginez un décor intimiste ou chaque plat est une œuvre d’art, ou chaque saveur raconte une histoire. Le pain, fraîchement sorti du four, dégage un parfum envoûtant qui pourrait faire fondre les cœurs les plus endurcis. Les convives, eux, semblaient figés dans le temps, pris dans cette magie romaine qui transforme un simple dîner en une scène de cinéma. Il ne manquait plus que la caméra, tournant lentement autour de nous, capturant chaque éclat de rire, chaque regard échangé, comme dans un long plan-séquence.
Mais alors que notre festin touchait à sa fin et que l’ombre du départ planait sur nous, une pensée obscure m’a soudain traversé l’esprit : Roudoudou, mon perroquet hystérique, celui que j’avais laissé derrière moi. Dans ma tête, une scène absurde se jouait. Je l’imaginais, vêtu d’un costume à la Serge Gainsbourg, cigarette au bec, les plumes ébouriffées de colère, m’accueillant avec des reproches chantonnés : "Aux armes, etcetera… Tu m’as trahi, etcetera… Moi, j’ai compté les heures, etcetera…"
C’était un Gainsbourg ailé, et moi, un imposteur, prêt à affronter son courroux. S’il avait eu des doigts, il aurait sans doute rédigé ses mémoires, "Moi, Roudoudou : Confessions d’un perroquet délaissé", où chaque page aurait été une gifle à mon égo.
Mais pour l’instant, je devais me préparer à affronter son regard perçant, comme dans une grande scène de règlement de comptes à l’italienne. Rome nous faisait ses adieux, mais Roudoudou, lui, préparait sans doute sa grande revanche.
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