WEEK-END A ROME, OU L’ART DE SE PERDRE ENTRE CINEMA ET DOLCE VITA
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC
6 septembre 2024
Ce matin-là, c’était comme un lever de rideau. Un dernier regard vers la lagune de Venise, théâtre de tant de films, de rêves flottants sur l’eau, et nous voilà prêts à faire un travelling avant vers une autre scène mythique : Rome. Venise nous avait offert des moments d’anthologie, presque dignes d’un plan séquence de Blow-Up où l’absurde côtoyait la beauté. On avait arpenté les pavés comme des protagonistes d’un film de Nanni Moretti, mi- songeurs, mi- errants, en quête de la Dolce Vita, de cette joie insaisissable qui semblait se nicher dans chaque ruelle.
Mais l’appel de Rome, lui, résonnait comme une fanfare à la Fellini. Ce n’était plus une simple excursion, c’était un voyage vers l’éternité cinématographique. Là-bas, le Colisée nous attendait, majestueux, fatigué, comme Marcello Mastroianni dans La Dolce Vita, accoudé à la fontaine de Trevi, cigarette au bord des lèvres, regard lointain, déjà ailleurs.
Sur le vaporetto qui nous menait à la gare, la scène surréaliste se déroule devant nos yeux : des policiers vénitiens sur le quai en plein contrôle de vitesse ! Si Federico Fellini avait été à nos côtés, il aurait sans doute hurlé "è un miracolo !". Une touche de burlesque dans le cadre majestueux de Venise. Une scène digne des Gendarmes à Saint-Tropez, où Louis de Funès aurait sans doute fini dans l’eau. Le Grand Canal, qui d’ordinaire chante la sérénité avec ses façades anciennes, devenait soudain le décor d’un film comique. On se marrait en silence, songeant à ces gendarmes qui contrôlaient les nudistes à Saint-Tropez. Si seulement ils savaient que la vraie action était à Alberoni, là où les "culs nus" résistent encore et toujours aux conventions...
La gare de Venise-Santa Lucia nous accueillait comme un décor de Rossellini. Les bruits de la ville s’étouffaient derrière nous, remplacés par l’écho des départs, des retrouvailles, des adieux. Un train nous attendait, et pour la première fois de notre vie, on comprenait l’essence même de Il Ferroviere. Chaque coup de sifflet était une promesse, chaque paysage qui défilait par la fenêtre, un plan large digne des plus belles scènes de Visconti. Les oliviers semblaient frémir sous l’œil d’une caméra invisible. Les villages perchés là-haut sur les collines, figés dans le temps, semblaient nous inviter à entrer dans une autre époque, à revivre les amours impossibles d’un Senso ou d’un L’Eclisse d’Antonioni. On ne se contentait plus de traverser l’Italie ; on jouait dans un film.
À Rome, l’arrivée est toujours triomphale. La gare Termini se dévoile comme dans Roma de Fellini, vibrante, excessive, un chaos orchestré où chaque visage semble cacher une histoire. Nous descendons du train, prêts à conquérir la ville comme des gladiateurs sans armure, armés seulement de notre soif d’aventure et d’un plan approximatif.
Nous traçons notre route jusqu’au Colisée, en traversant des quartiers qui ressemblent à des décors de Caro Diario de Nanni Moretti. Chaque recoin, chaque façade ocre, chaque petite place où les vieilles dames discutent sur des bancs en bois est un clin d’œil au cinéma italien. Le vent chaud effleure nos visages, et on s’attend à tout moment à voir passer Giulietta Masina, pleine de vie, comme dans La Strada, ou même une Anita Ekberg grandeur nature, prête à plonger dans une fontaine au coin de la rue.
Puis, le Colisée. Il apparaît au détour d’une rue, immense, imposant, baigné dans la lumière dorée d’un coucher de soleil. On se demande si ce n’est pas une réminiscence de Gladiator qui se joue dans notre esprit, mais la réalité est là : ce monument millénaire, qui a vu défiler des siècles d’histoire, devient le décor parfait de notre propre épopée. On se croirait dans une fresque signée Leone, à mi-chemin entre Il était une fois la révolution et Il était une fois en Amérique.
Après cette parenthèse épique, il nous fallait une pause dans notre aventure, et quoi de mieux qu’une trattoria historique pour savourer la fin de cette journée ? La Trattoria Perilli. Fondée en 1911, elle semble n’avoir rien changé depuis ses débuts, comme si elle avait été figée dans le temps par un sortilège culinaire. Le patron aurait pu sortir tout droit d’un film de Sergio Leone, un vieux truand au grand cœur reconverti dans le rigatoni alla carbonara.
Chaque plat est une scène, un hommage aux grands classiques : les pâtes, la guanciale croquante, le pecorino qui fond doucement sur la langue... on se croirait dans une symphonie orchestrée par Morricone. La conversation glisse naturellement vers le cinéma. Comment ne pas parler d’histoire quand l’assiette raconte un siècle de tradition ? On imagine une caméra nous filmer en contre-plongée, la lumière tamisée sur nos visages fatigués mais heureux, comme une scène finale de La Grande Bouffe, mais version soft.
La nuit tombe sur Rome, mais nous restons là, à trinquer à cette aventure, à la vie, au cinéma. Dans ce moment suspendu, on se dit que tout a un air de déjà-vu, que la vie elle-même est un film. Peut-être sommes-nous des personnages d’un film de Scola, cherchant sans cesse un sens à ce chaos organisé. Peut-être sommes-nous des rêveurs à la Antonioni, errants dans une ville qui ne répond jamais tout à fait à nos questions.
Mais peu importe. Ce voyage, plus qu’un simple déplacement, est une ode à tout ce qui fait le charme de l’Italie : l’art, la poésie, l’absurde, et le cinéma qui n’est jamais loin. Oui, finalement, notre vie pourrait être un long métrage, un chef-d’œuvre où chaque scène est une célébration de l’instant, où chaque détour de rue révèle une nouvelle intrigue. Et alors que le générique invisible de cette journée défile, nous sommes déjà prêts pour la prochaine scène.
#acmeplus, #erasmus+, #erasmusplus, #erasmustrip, #myerasmus, #italie, #operaitalie, #theatreitalie, #pavia, #bayonne, #mobilite, #combustibe, # mostra venezia, #roma, #cinecitta
Comments