ÉPISODE 4 – ARRIVÉE AU TEATRO FRASCHINI : OÙ L’ON APPREND QUE LES THÉÂTRES ITALIENS POSSÈDENT PARFOIS UNE ACOUSTIQUE… FAVORABLE AUX PERROQUETS CLANDESTINS
- Fredric Kristian

- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO II
Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC
Octobre 2025
© Soolee
Le train s’immobilisa dans un soupir métallique, comme s’il était soulagé d’être enfin débarrassé de Roudoudou. Je descendis sur le quai de Pavia, happé par cette atmosphère si particulière : un mélange de pierre ancienne, de feuilles d’automne, d’élégance italienne et d’odeur persistante de café brûlant.
Je respirai profondément :
— Sono tornato.
Je suis revenu.
Roudoudou, quant à lui, faisait semblant d’être absent, invisible, dissous dans l’air ambiant. Mais je savais qu’il n’était jamais loin. C’est ça, les oiseaux maudits : ils sont comme les idées étranges des metteurs en scène, on croit qu’on s’en est débarrassé mais elles reviennent toujours par une trappe du plafond.
Je pris la direction du Teatro Fraschini, cette merveille architecturale que je n’arrive jamais à traverser sans me sentir minuscule et gigantesque tout à la fois : minuscule par la magnificence du lieu, gigantesque par la responsabilité qu’il impose. Ah… le Teatro Fraschini. Ses colonnes, ses dorures, ses couloirs qui sentent la poussière noble, ses loges alignées comme des promesses… Et cette scène qui respire encore les fantômes des grandes voix passées.
En approchant, je croisai un groupe d’étudiants qui discutait avec animation. L’un d’eux, en voyant ma valise, me lança:
— “ Buongiorno maestro ! ”
Je répondis par un salut modeste et un sourire que je tentai de rendre italien. C’est-à-dire un sourire mélange de grâce, de séduction et de léger désespoir existentiel.
Je poussai la grande porte du théâtre. L’air y était plus frais, presque sacré. Le silence qui régnait avait la densité d’un rideau épais.
C’est alors que résonna…un rire. Un rire minuscule, aigu, moqueur.
— “Ha, ha, ha ! Ce théâtre est à MOI ! J’en déclare la conquête immédiate au nom de la république indépendante des Plumes Infernales !”
Je levai les yeux. Et je le vis. Roudoudou, suspendu au tout premier lustre du vestibule, les ailes écartées comme un aigle impérial miniature, un regard fier comme s’il venait d’adorer secrètement tout l’édifice.
— “ Capitaine ! Je revendique ce territoire ! C’est une base parfaite ! Mes ancêtres auraient adoré piller un lieu pareil ! De l’or ! Des balcons ! Des rideaux ! Des humains stressés ! C’est le paradis ! ”
Je murmurai, très doucement :
— “ Par pitié, Roudoudou, ne fais pas de bêtises. Pas ici. Pas dès le premier jour. ”
— “ Capitaine… tu me blesses. Je suis un artiste. Je respecte les temples de l’art. ”
Je soufflai de soulagement…
… juste avant qu’il ne se mette à imiter le bruit d’un trombone incontrôlable, si fort que deux techniciens sortirent précipitamment d’une loge.
— “ Scusate… il y a un… problème dans la ventilation ? ”
Je souris en serrant les dents.
— “ Aucun problème. Tout va bien. Tout est normal. C’était… moi. ”
Les techniciens me regardèrent comme si j’étais l’incarnation humaine d’une cacophonie. Puis apparut une silhouette familière : Francesco Nardelli. Son élégance naturelle, son port altier, son sourire qui mélange curiosité et ironie.
Il ouvrit les bras :
— “ Maestro ! Bentornato ! ”
— “ Francesco ! Quel bonheur de revenir ici. ”
— “ Le bonheur est partagé. Pavia vous attendait. ”
Au-dessus de nous, Roudoudou, chuchotant :
— “ Ah oui ? Elle m’attendait MOI aussi ? Ce directeur a fière allure ! Je sens qu’on va faire une équipe formidable… ”
Je fis mine d’ignorer l’incident. Nous traversâmes le hall, discutant déjà de l’opéra, du planning, des artistes, du chef d’orchestre. Francesco avait ce talent subtil de vous mettre immédiatement dans la création, comme si la machinerie, les costumes, les voix et la dramaturgie avaient été suspendues dans l’air en attendant votre arrivée.
En descendant les marches vers la salle, je sentis la présence de Roudoudou qui nous suivait par les hauteurs du plafond, bondissant de poutre en poutre, parfaitement invisible aux yeux humains mais bruyant comme une petite tragédie grecque ambulante.
Nous entrâmes dans la salle du Fraschini. Silence. Majesté. Beauté pure.
Et comme un souffle :
— “ Je m’installe là ! ”
Je levai les yeux : Roudoudou… installé dans le plus haut des balcons, tel un critique musical de l’au-delà.
Ainsi s’achevait mon premier jour : entre émerveillement, retrouvailles… et terreur anticipée.
Le lendemain, les répétitions commenceraient. Et je doutais sérieusement que Roudoudou puisse rester sage face à Massenet.
#acmeplus, #erasmus+, #erasmusplus, #erasmustrip, #myerasmus, #italie, #operaitalie, #theatreitalie, #pavia, #bayonne, #mobilite, #combustibe































Commentaires