DU VERISME AUX LUMIERES DE LA MOSTRA
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de Kristian FREDRIC
31 AOUT 2024
Photos des spectacles Cavalleria Rusticana et Pagliacci de Leoncavallo et Mascagni Opéra du Rhin et de La Bohème Opéra de Nice, mise en scène de Kristian Frédric
Mes chers compagnons de bord ! Accrochez-vous et préparez vos estomacs, car notre périple en Italie continue de plus belle. Après avoir dompté les flots de la mode à Milan, notre train a filé comme une frégate rapide, nous ramenant en ce doux dimanche 31 août vers une destination qui n’a besoin d’aucune carte : Venise, la Sérénissime, où la mer épouse le ciel, et où l’art se marie avec la vie.
Arriver à Venise, c’est un peu comme rentrer au port après une longue traversée en haute mer : le soulagement de retrouver un endroit familier, où chaque ruelle est une vague et chaque pont un phare. Mais cette fois, notre retour n'était pas seulement celui d'un marin fatigué, mais d'un explorateur prêt à plonger dans les eaux scintillantes de la Mostra de Venise, ce grand festival du cinéma qui a commencé il y a déjà quelques jours. Le cinéma ! Ah, un art aussi imprévisible que la mer elle-même.
Mais avant de m’éparpiller comme une voile dans le vent, laissez-moi vous raconter notre première soirée vénitienne, où j’ai retrouvé un vieil ami, et pas des moindres : Daniele Callegari, ce chef d’orchestre qui, je vous le dis, dirige les musiciens comme un capitaine ses matelots, avec fermeté, passion, et un brin de folie. Nous nous sommes retrouvés à la Trattoria Storica, ce petit coin de paradis où les grillades de poissons sont aussi précises qu'une partition de Verdi. Autour d’un bon verre de vin blanc, tout aussi éclatant que les rires qui fusaient de notre table, nous avons parlé d’une chose qui nous tient tous deux à cœur : l’opéra italien, et plus précisément, le mouvement vériste.
Imaginez, chers amis, l’Italie fraîchement unifiée, au tournant du 19e siècle, et avec elle, un peuple avide de nouvelles histoires, mais pas de ces récits fantaisistes où les dieux et les rois se disputent des trônes éthérés. Non, ce que le peuple voulait, c’était des drames tirés de leur propre vie, des histoires de gens ordinaires, et c’est là que le vérisme est né, comme une vague prête à bouleverser la tranquillité des eaux opératiques. Finis les contes héroïques, place aux passions humaines, violentes, crues, un peu comme un orage qui éclate en pleine mer.
On dit que l’opéra vériste a révolutionné l’opéra, et pour cause*. Imaginez une musique qui ne se contente plus de souligner l'action, mais qui la transforme, qui rend chaque émotion palpable, chaque tragédie inévitable, comme une tempête que l’on voit venir mais qu’on ne peut éviter. C’est dans cette Italie bouillonnante que Mascagni et Leoncavallo ont composé des œuvres comme Cavalleria Rusticana ou Pagliacci, véritables coups de canon dans un monde où l’opéra devenait plus réel que jamais. Il y a plusieurs années j’ai eu la chance de réaliser la mise en scène de ces deux opéras. C’était à l’Opéra du Rhin, et je vous le donne en mille, le maestro était Daniele Callegari, c’était notre première rencontre.
À ce stade du repas, je me permets de glisser une réflexion au grand capitaine des notes : « Tu sais Danielle, l’opéra, c’est un peu l’ancêtre du cinéma. »
Si l’opéra est une mer où les émotions voguent en musique, le cinéma, lui, en est l’héritier direct, capturant la vie en mouvement, ajoutant l’image aux vagues sonores. Je pense au Parrain 3 de Coppola, cette saga où la vie d’un mafieux se termine dans la pénombre d’un opéra. Le drame y est total, et c’est là que tout s’emboîte : la scène finale, où Cavalleria Rusticana est jouée par le fils de Corleone, rappelle l'essence même de l’opéra, ce creuset où l’amour et la mort se côtoient, où la tragédie éclate comme une tempête inattendue.
La scène où la fille de Corleone est tuée sur les marches de l’opéra est l’une des plus poignantes du cinéma. C’est là que le lien entre ces deux arts se fait clair comme une mer d’huile : l’opéra et le cinéma sont deux voies navigables du même océan émotionnel. Tous deux nous mènent vers l'inévitable, où le destin se joue souvent dans un dernier souffle, un dernier cri, que ce soit sur une scène de théâtre ou devant une caméra.
Ainsi, mes amis, en terminant notre festin de poissons grillés, je lève mon verre à ces deux arts si proches et pourtant si différents. L’opéra, avec sa grandeur, sa capacité à capter les passions humaines dans des tourbillons musicaux ; et le cinéma, avec son œil perçant, capable de capturer l’instant, de raconter des histoires aussi vastes qu’un océan. Ces deux formes d’art sont les phares qui nous guident à travers les tempêtes de la vie, chacun à sa manière, mais toujours avec cette force qui nous émeut, qui nous bouleverse, et qui, au final, nous rappelle pourquoi nous mettons les voiles, pourquoi nous partons en mer, à la recherche de ces récits qui nous font vibrer.
Alors que je me prépare à plonger dans la Mostra de Venise, où je vais explorer de nouveaux récits, je ne peux m'empêcher de penser que, quelque part, le cinéma et l'opéra ne sont que deux faces d'une même médaille, deux courants dans l'immense océan de la créativité humaine. Voilà pourquoi, que vous soyez à bord d’un navire ou assis dans un fauteuil de théâtre ou de cinéma, il y aura toujours une mer à naviguer, une histoire à découvrir, et une émotion à vivre.
*Les principaux compositeurs véristes italiens furent : Pietro Mascagni (1863-1945), Ruggero Leoncavallo (1857-1919), Umberto Giordano (1867-1948), Alfredo Catalani (1854-1893), Amilcare Ponchielli (1834-1886), en partie Francesco Cilea (1866-1950), plus Giacomo Puccini (1858-1924) - mais uniquement pour certaines de ses œuvres, plus quelques autres...
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