LE VENDEUR D’OLIVES DE ZAKYNTHOS
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC
26 septembre 2024
PARTIE 2
Alors que nous quittons notre jardin bucolique pour nous rendre à l’opéra, nos estomacs remplis de trésors gastronomiques, je ne peux m’empêcher de me perdre dans mes pensées, ramené soudainement à cette île grecque baignée de soleil.
Zakynthos, c’était son nom. Et c’est là que je l’ai rencontré, lui, ce vendeur d’olives dont la verve était aussi acérée que les lames de la mer Égée. C’était un maître de l’art du monologue. Trois minutes, m’avait-il promis. Trois minutes pour me raconter toute sa vie. Et comme dans tous les récits dignes d’un opéra, je fus emporté dans une fresque épique, une danse effrénée de tragédies, de comédies et de sirtakis imaginaires.
"Kalimera !" m’avait-il lancé, en levant une main ridée vers le ciel comme pour saluer un dieu. "Je te donne la meilleure olive de Grèce, mais d’abord, tu dois connaître mon histoire."
Il était né sous une pleine lune, au sommet d’une colline où ses ancêtres avaient jadis cultivé les oliviers, depuis des siècles, disait-il. Mais lui, lui n’était pas fait pour la terre. Non, dès son plus jeune âge, il rêvait de partir. Son père, un colosse bourru qui parlait aux arbres comme on parle à des hommes, n’avait jamais compris ce rêve de liberté. Et pourtant, à dix-huit ans, notre homme avait quitté l’île. Direction Athènes, la ville des dieux et des promesses.
Là, il avait décidé de devenir poète. "Mais pas n'importe quel poète." précisa-t-il en baissant la voix, comme s'il allait me révéler un secret que seuls les initiés connaissent. "Un poète marin. Parce que, tu comprends, la mer elle-même est une poésie, chaque vague un verset, chaque tempête un refrain tragique."
Il embarqua donc sur un vieux navire de pêche, où il passa des années à naviguer d'île en île, ne récoltant pas le poisson, mais les histoires. Chaque village côtier devenait une nouvelle page de son grand poème épique, et chaque port une strophe. Mais l’amour… ah, l’amour ! C’est toujours lui qui bouleverse tout, n’est-ce pas ?
Un jour, sur l’île de Mykonos, il rencontra une femme. Une Italienne, bien sûr, parce que l’amour n’est jamais simple. Elle était danseuse dans une petite taverne, et ils s’étaient aimés comme seuls les Grecs et les Italiens savent le faire : avec passion, disputes éclatantes, mais toujours, toujours en dansant.
"Le sirtaki" m’avait-il dit en hochant la tête avec une gravité théâtrale, "ce n’est pas qu’une danse. C’est la vie elle-même." Et il m’imita brièvement les pas, là, entre ses barils d’olives, comme un acteur de cinéma en pleine scène cruciale. Chaque mouvement était imprégné de nostalgie et de puissance, comme si chaque tour de jambe effaçait un regret ou célébrait une victoire.
Mais la vie n’est jamais aussi simple que dans les films. Ils vécurent heureux pendant un temps, certes, mais un jour elle partit, sur un bateau à vapeur, vers l’Italie. Elle n'avait laissé qu'un mot, griffonné sur une serviette de la taverne : "La vie est un sirtaki, mais il faut savoir changer de partenaire."
Cela l'avait détruit, bien sûr. Il retourna à Zakynthos, amer, décidé à ne plus jamais aimer, ni danser. C'est là qu'il devint vendeur d’olives. "Parce que les olives, elles, elles ne partent jamais" avait-il conclu avec un clin d’œil.
Mais il ne put jamais réellement oublier cette danseuse. Chaque fois qu'il vendait une olive, c'était comme s'il offrait un petit bout de son cœur brisé, parfumé de sel et d'huile d’olive. Il devint une légende locale, non pas pour ses olives, mais pour ses récits. Car, à chaque client, il racontait son histoire d’une manière différente, ajustant les détails comme un réalisateur change un script.
Il me regarda droit dans les yeux à ce moment-là, avec une intensité qui rappelait la dernière scène d’un opéra : "C’est ça la vie, mon ami. On danse, on rit, on pleure. Mais à la fin, il reste toujours les olives. Et ça, c’est déjà beaucoup."
Sur le chemin de l'opéra, alors que les rues de Pavia défilent comme un décor de cinéma néoréaliste, je me surprends à repenser à lui. À cet homme qui m'avait offert bien plus que des olives ce jour-là. Il m’avait offert une vision de la vie, une manière d’accepter les tragédies avec un sourire en coin et une danse dans le cœur. La métaphore du sirtaki devient pour moi comme une scène finale, celle où tous les personnages se réunissent pour un dernier tour de piste. La musique monte, les acteurs dansent, et nous, spectateurs, ne pouvons que sourire devant cette ironie poétique.
Je l’imagine encore, ce vendeur d’olives, seul sur sa colline de Zakynthos, levant un verre d’ouzo à la lune, en dansant un sirtaki avec les ombres du passé. Et je me dis que, parfois, la vie est comme un opéra. Elle finit toujours par une grande scène de danse, un ultime éclat de rire, et puis… le rideau tombe.
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